Afin de vérifier la capacité d’absorption d’un bouclier du XIIIe siècle face à un projectile puissant, nous avons décidé en 2009 de faire réaliser par un expert, Daniel MILLIUS « Les Boucliers de l’Andlau » un bouclier de la fin du XIIIe siècle en matériaux historiques : planches de pin épaisses de 15 mm assemblées à la colle d’os avec rainures-languettes (languettes en tilleul), recouvert de trois couches de toile de lin elles aussi collées à la colle d’os.
Le tir est effectué avec une copie conforme d’arbalète du XIIIe siècle réalisée par les membres du groupe Historia Vivens en Autriche, dans le cadre du château du Bachritterburg à Kanzach (Allemagne) lors d’une journée médiévale.
L’arc de l’arbalète est réalisé en matériaux composites : des plaques de cornes épaisses englobées dans du frêne, le tout recouvert d’écorce de bouleau. Les colles utilisées sont elles aussi historiques, colle de peau essentiellement. L'arbalète utilisée pour le test est un modèle parmi les plus puissants de l’époque, puisqu’elle développe une puissance de 340 livres (170 kg), ce qui, de l’avis des spécialistes sur la question, correspondrait aux puissances maximales pour le XIIIe siècle.
Les tirs sont effectués à une distance d’une dizaine de mètres, l’impact est donc optimal.
Test 1 :
Le premier tir est fait avec un carreau de type « perce mailles » à pointe effilée, conçu pour la pénétration. La pointe traverse le bouclier de 5 cm à peine à l’arrière. Le bouclier a totalement absorbé la puissance du tir.
Test 2 :
Le second tir est effectué avec un carreau « normal » à pointe massive. Cette fois la pointe dépasse de 4 cm à peine. Une fois encore le bouclier a totalement absorbé l’impact.
Conclusion du test :
Le bouclier a largement dépassé toutes nos attentes : avant le test nous étions persuadés qu’une telle puissance serait à même de transpercer totalement un bouclier aussi fin. Il n’en est rien ! Non seulement le bouclier a été capable de stopper net l’impact du carreau d’arbalète mais de plus il a absorbé la pénétration à tel point que la pointe dépasse à peine de quelques cm de l’autre côté.
Le phénomène s’explique par la composition du bois : les fibres du bois ne se cassent pas face à une pénétration, elles s’écartent, et arrive un moment où les fibres sont tellement compactées sous la contrainte du carreau qu’elles le bloquent purement et simplement. De plus, lorsque l’auteur du tir a retiré les carreaux, nous avons observé le trou qui se rétrécissait, les fibres du bois reprenant légèrement leur place d’origine, sans toutefois reboucher le trou, mais un bon tiers du trou d’origine s’était refermé sous nos yeux.
Un combattant médiéval du XIIIe siècle équipé d’un bouclier « standard » ne peut donc nullement être inquiété par l’impact d’un tir d’arbalète de guerre … à condition que le tir atteigne son bouclier. Seul bémol : si le carreau se plante à l’endroit où le combattant a placé son bras, il aura le bras blessé (perforation sur environ 3-4 cm et bien entendu os brisé) ; le côté positif : au moins ne risque-t-il plus de lâcher son bouclier…